Psychologie féministe : à quoi ça sert ?

Psychologiser des problématiques sociales : entre bénéfices et limites

Entre novembre 2023 et septembre 2024, j’ai travaillé dans un centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) en tant que psychologue. J’y accompagnais des enfants âgés de 3 à 10 ans, décrits comme ayant des troubles du comportement, de la communication ou des interactions. Ces diagnostics, bien qu’ils puissent ouvrir l’accès à des aides précieuses, illustrent parfois une tendance à psychologiser des trajectoires de vie marquées par la précarité et la violence sociale.

En pratique, cette psychologisation peut être une arme à double tranchant : si elle offre un cadre de soin, elle tend aussi à occulter les inégalités structurelles qui façonnent ces parcours de vie. Comme l’ont analysé Fonte et Lelaurain (2024), les outils et concepts de la psychologie, souvent présentés comme neutres, sont en réalité influencés par des contextes sociaux et des dynamiques de pouvoir. Cette réalité se reflète dans les relations thérapeutiques, où le savoir confère une forme d’ascendant au psychologue sur ses patient.e.s, renforçant ainsi des rapports sociaux hiérarchisés (Clair, 2016).

Cette expérience m’a amenée à m’interroger : comment la psychologie peut-elle répondre aux besoins des individus tout en tenant compte des contextes sociaux ? C’est ici qu’intervient la psychologie féministe, en proposant une approche critique et située qui recontextualise les problématiques personnelles dans des systèmes de domination plus larges.

La psychologie féministe dans la prise en soin

La psychologie féministe, même si son nom le laisse croire, n’est pas qu’une approche centrée sur l’analyse des inégalités entre femmes et hommes. Bien que cela soit son point de départ, elle s’attache à intégrer des connaissances sur toutes les formes d’inégalités : de richesse, liées à la couleur de peau, à l’orientation sexuelle ou encore à l’identité de genre.

En pratique, l’approche féministe de la thérapie peut prendre des formes variées. Mais ces formes ont, en principe, quelques points communs. D’abord, l’approche féministe s’attache à croire les victimes et à légitimer leur ressenti. Ensuite, il s’agit de recontextualiser ce que vie le ou la patient-e au sein de différents systèmes de domination repérés par les sciences sociales. Cela permet de se sentir moins seul-e, de peut-être, savoir où trouver des allié-e-s, et de comprendre quels mécanismes vous enlèvent du contrôle sur votre vie et/ou vous font souffrir. L’étape finale est selon moi « l’empouvoirement », c’est à dire le fait de regagner du pouvoir.

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Bibliographie

Clair, I. (2016). Faire du terrain en féministe. Actes de la recherche en sciences sociales, 213(3), 66-83. https://doi.org/10.3917/arss.213.0066

Fonte, D., & Lelaurain, S. (2024). Épistémologies féministes et psychologie : Savoirs situés, pratiques situées. Hermès. https://doi.org/10.3917/herm.fonte.2024.01

Goepfert, L. (2021). Identité professionnelle des psychologues : Analyse sociologique du travail. Réseau Psychologues. Consulté sur https://www.reseaupsychologues.eu/Identite-professionnelle-des-psychologues-L-Goepfert-sociologue-de-travail_a4204.html

Hartsock, N. C. M. (1983). The feminist standpoint: Developing the ground for a specifically feminist historical materialism. Dans S. Harding & M. B. Hintikka (Éds.), Discovering Reality (Synthese Library, vol. 161, pp. 283-310). Springer. https://doi.org/10.1007/0-306-48017-4_15

Morel, S. (2008). L’ambivalence de la psychologisation des rapports de travail dans les institutions « psy ». Sociologies Pratiques, 17, 67-80.

Muel-Dreyfus, F. (1975). L’école obligatoire et l’invention de l’enfance anormale. Actes de la recherche en sciences sociales, 1(1), 60-74. https://doi.org/10.3406/arss.1975.2450

Nicaise, S. (2021). Réparer les cerveaux. Revue française des affaires sociales, (3), 347-353. https://doi.org/10.3917/rfas.213.0347

Teo, T. (2010). What is epistemological violence in the empirical social sciences? Social and Personality Psychology Compass, 4(5), 295-303. https://doi.org/10.1111/j.1751-9004.2010.00265.x

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