Gestion du stress et addictions

Qu’est-ce que les stratégies de coping

En psychologie, le concept de stress est décrit par Lazarus comme étant une transaction distincte entre la personne et son environnement, au sein de laquelle une situation est perçue comme débordant les ressources de la personne, et menaçant son bien-être (Lazarus & Folkman, 1984, cités par Muller & Spitz, 2003). Cette conception transactionnelle du stress admet deux types de processus : les processus d’évaluation cognitive et les processus de coping. Le coping peut être envisagé comme un ensemble de processus d’ajustement (Moos & Schaefer, 1993), visant la régulation émotionnelle et la réduction de l’anxiété lorsqu’il s’agit de faire face à une situation stressante (Chabrol & Callahan, 2018). En mettant en place des stratégies de coping, l’individu élabore des réponses cognitives, émotionnelles et comportementales, qui sont habituellement regroupées en deux dimensions : le coping centré sur le problème et le coping centré sur l’émotion.  Le coping centré sur le problème viserait à réduire les exigences de la situation et serait tourné vers l’action (Lazarus & Folkman, 1984). Le coping centré sur l’émotion permettrait une régulation de l’émotion en lien avec la situation stressante, à travers des stratégies cognitives visant la modification de l’attitude de l’individu en situation stressante (Chabrole & Callahan, 2018 ; Lazarus & Folkman, 1984). Endler et Parker (1994) introduisent une troisième dimension de coping, le coping centré sur l’évitement. Ces stratégies de coping participeraient à détourner l’attention du sujet de la source du stress, en ayant pour finalité la fuite de la détresse émotionnelle (Chabrol & Callahan, 2018 ; Passolunghi & Varescon, 2016). Ainsi, les individus auraient recours à des stratégies de coping issues des trois dimensions, et le choix de ces stratégies de coping reposerait sur plusieurs facteurs : la situation elle-même, la personnalité et les préférences de la personne, la contrôlabilité etc. (Paulhan & Bourgeois, 1995).

Quel lien entre addiction et stratégies de coping ?

Comme nous l’avons évoqué, les stratégies de coping ne sont pas intrinsèquement efficaces ou inefficaces, l’efficacité d’une stratégie de coping dépendant des critères valorisés par l’individu et la société dans laquelle il évolue (équilibre émotionnel, santé physique, bien-être, etc.) (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2021). Ainsi, une stratégie de coping impliquant la prise de substance pourrait protéger l’individu contre des affects négatifs, tout en détériorant la santé physique de ce dernier, (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2021). Bien qu’il n’existe pas de stratégies de coping idéales (Passolunghi & Varescon, 2016), la méta-analyse de Penley, Tomaka et Wiebe (2002) suggère qu’il y aurait un lien entre le coping évitant, la détresse et la dépression, et soulève l’idée du coping évitant comme facteur de vulnérabilité. Les stratégies de coping centrées sur l’évitement pourraient être impliquées dans l’expression de pathologies (Chabrol & Callahan, 2018). A l’inverse, certaines stratégies de coping, comme le coping actif, la planification, la reformulation positive, l’acceptation et l’humour, seraient associées à une bonne estime de soi, peu de stress perçu et peu de souffrance psychologique (Varescon et al., 2011). Ces études posent la question d’une potentielle influence des stratégies de coping sur les conduites addictives avec ou sans substances. En outre, il est reconnu que les personnes présentant un trouble lié à l’usage de substances psychoactives rencontrent des difficultés dans la gestion de situations interpersonnelles, sociales, émotionnelles et personnelles (Couteron & Morel, 2014). La consommation de substances pourrait être un moyen de faire face à des situations de vulnérabilité dans l’optique de gérer les réactions émotionnelles associées (Couteron & Morel, 2014). Ainsi, les stratégies de coping centrées sur l’évitement pourraient participer à l’augmentation de la consommation de substances (Lazarus & Folkman, 1984). Les stratégies de coping centrées sur l’émotion seraient également plus présentes chez les individus dépendants au cannabis (Dorard et al., 2014). Ces dernières auraient un impact sur la durée de consommation du produit et constitueraient un facteur de maintien de la consommation (Dorard et al., 2014). De même, les personnes présentant un trouble lié à l’usage de l’alcool privilégieraient les stratégies de coping centrées sur l’émotion et les stratégies de coping centrées sur l’évitement, au détriment des stratégies de coping centrées sur le problème, (e.g., Feil & Hasking, 2008 ; Hasking et al., 2011 ; Palhavan et al., 2013 ; Ribadier, 2015 ; Ribadier & Varescon, 2017 ; Varescon et al., 2011). Le blâme (stratégie de coping centrée sur l’émotion), l’utilisation de substances (stratégie de coping centrée sur l’évitement) et l’acceptation (stratégie de coping centrée sur le problème), sont des stratégies préférentiellement mises en place par les personnes présentant une dépendance à l’alcool (Ribadier & Varescon, 2017 ; Varescon et al., 2011). Chez les individus présentant une addiction aux jeux vidéo, nous retrouvons également une utilisation plus importante des stratégies de coping centrées sur l’évitement, comparativement aux joueurs non pathologiques (Müller, 2010). Il en est de même pour les personnes présentant une addiction à internet : les utilisateurs pathologiques auraient tendance à mettre en place de façon prépondérante des stratégies de coping évitantes et centrées sur l’émotion, se distinguant ainsi des utilisateurs non pathologiques (McNicol et al., 2017 ; Li D et al., 2010). L’étude réalisée par Émilie Boujut et Marilou Bruchon-Schweitzer (2010) sur les troubles du comportement alimentaire (TCA) montre des résultats similaires auprès d’étudiants de première année : les stratégies de coping centrées sur l’émotion seraient prédictrices d’une augmentation des troubles alimentaires, et plus particulièrement chez les étudiants présentant déjà un TCA (Boujut & Bruchon-Schweitzer, 2010). Les stratégies de coping semblent jouer un rôle important dans les addictions. Certains types de coping semblent induire la consommation de substances ou l’assuétude comportementale, participant à l’installation et au maintien des conduites addictives (Battaglia et al., 2010). En somme, il ressort de la littérature scientifique une utilisation préférentielle des stratégies de coping centrées sur l’émotion, et des stratégies de coping centrées sur l’évitement, chez les personnes présentant des conduites addictives.

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